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Les décors
Installé dans les studios du Pôle média de la Belle de Mai à Marseille, le décor de Plus belle la vie puise ses racines dans le plus vieux quartier de Marseille : le Panier.
Ce quartier situé près du vieux port tient une place particulière dans la cité phocéenne : il est construit sur l'antique Massalia grecque ! Pas étonnant donc si la vie de Ninon, Lucas, Rudy et les autres prend corps dans un décor riche en symboles.
Le Mistral et ses maisons colorées, ses volets claquants, ses ruelles typiques voient évoluer tout un quartier au quotidien. Et si la série séduit, c'est aussi parce que le décor instaure une ambiance, fait rêver et incarne un personnage à part entier.
"La maison France 5" par Stéphane Thebaut diffusé sur France 5, le 22 avril 2015.
Reportage et Interview de Michel Blaise, décorateur de PBLV, et de François Charlent, producteur.
Michel Blaise, créateur du quartier imaginaire du Mistral nous raconte ce projet ambitieux, son aventure avec Plus belle la vie :
France 3 désirait réaliser un feuilleton qui se passait à Marseille. La chaîne a donc fait un appel d'offre remporté par les deux sociétés de productions : Telfrance série et Rendez-vous production série.
Puis elle a lancé un concours pour trouver le créateur du décor. Nous étions deux dans la course.
Les coproducteurs, Telfrance série et Rendez-vous production série voulaient reconstituer le Panier, l'un des plus vieux quartiers de Marseille, dans 1100m² de studios !
Il faut savoir que créer un décor de cette envergure dans un délai aussi court (moins de 6 mois) relevait du défi !
Les contraintes consistaient à y inclure une petite place, un bistrot, un hôtel et deux boutiques. Mais il y avait plusieurs inconnues dans cette histoire. L'une d'elles était de savoir comment faire fonctionner un tournage aussi dur et aussi complexe dans si peu de place. Créer un décor qui répondrait aux besoins des 26 mn du feuilleton, c'était énorme ! Ils n'avaient pas pensé qu'un statutaire de France 3 serait aussi fou qu'eux...
J'ai accepté. Et l'aventure a commencé.
Il a fallu ébaucher les premiers plans, donner les premiers coups de crayon ! On était en pleine période de fêtes. Mais le travail a primé, même le soir de Noël !
Cette année là a été la plus dure de ma carrière...mais aussi la plus extraordinaire !
C'était un vrai travail d'équipe, passionnant, compliqué, âpre, bref génial ! Je passais mon temps entre Paris et Marseille. Je suis même allé à Londres pour observer leurs techniques de construction de décor. Ils construisent par exemple des studios en extérieur, ce qui a pour avantage de pouvoir l'agrandir en fonction des besoins jusqu'à parfois devenir carrément un quartier ! Les anglais sont très forts sur ce plan là.
L'idée était intéressante mais en terme de gestion de météo, le risque était trop grand de ne pas réussir à gérer les 26 minutes par jour !
La réalisation : Une fois fini de dessiner, de rêver etc., j'en suis arrivé à la sinistre réalité : ce décor qui fait tout de même 12 à 14m de hauteur devait tenir debout, et cela dans des conditions de construction draconiennes!
Je me suis donc penché sur le problème des échafaudages. Les premières estimations étaient jaugées à 500 000€...On a heureusement réussi à faire baisser le prix ! D'autre part, la longueur totale des battants servant à la construction des parois de décors s'élevait à 16km, sans compter qu'on a aussi utilisé 2500m² de contre plaqué ! On arrive à des chiffres impressionnants !
J'ai commencé à réaliser que j'accomplissais quelque chose d'important. C'est sûrement le plus grand décor que la télévision ait construit depuis 25 ans ! Un décor aussi vaste posait des problèmes tout aussi complexes. Exemple comment faire pour déplacer des façades de 12 m de hauteur en de telles quantités ? La question paraît saugrenue. Il a pourtant fallu louer des élévateurs, des grues, faire passer des brevets aux techniciens.
Autre complication, les ateliers de constructions étaient situés à l'opposé des studios dans la ville de Marseille. Pour des raisons de production et de sécurité, la décision a été prise de continuer à fabriquer dans les ateliers et à transporter au fur et à mesure les éléments de décor dans les studios !
Des débuts difficiles : Je me souviens que notre arrivée aux studios le 1er avril 2004 nous avait un peu déconcertés.
Ce n'est pas une blague : il n'y avait ni électricité, ni chauffage. 1100m² de noir ! On disposait de simples lampes torches pour tout équipement ! Il faut savoir que les studios appartiennent à la ville de Marseille qui les avait construits sur une ancienne usine à tabac. Elle en est donc propriétaire, mais c'est une société satellite qui en a la gestion et qui à son tour les loue à une troisième société qui elle, nous les loue. Chacun s'était déchargé du problème de l'électricité...Mais c'était les débuts : la confusion régnait ! On a donc essuyé les plâtres.
On était une équipe de 50 personnes à travailler sur le décor dont Eddy Giannelli, chef constructeur, Philippe Ramousse, chef d'équipe et puis la chef peintre Dany Bousquet. On devait sans cesse inventer des systèmes qui s'adaptaient au tournage de Plus belle la vie. Danny et Eddy ont par exemple trouvé des matériaux servant à fixer la peinture. C'était un enduit à base de résine très forte, quasiment indestructible. Résultat le décor tient encore ! Il n'a pas vieilli malgré les variations de température énormes sur le plateau ! Pour ce qui était des accessoires comme les fenêtres, les volets, les portes, je tenais absolument à ce que se soit de l'ancien. La difficulté à les trouver provenait du fait que j'avais sous dimensionné pour donner le sentiment d'un espace plus vaste ! La quête de Marc Esclapez, régisseur d'extérieurs, a été d'autant plus ardue...il a dû écumer toute la région PACA (Provence Alpes Côtes d'Azur) pour trouver les matériaux. Il a réussi à me dégoter 200 fenêtres et volets d'origine.
Quand on a livré le décor, je commençais à accuser un certain taux de fatigue.
Les gens de la production et de la chaîne sont venus le visiter. Certains en ont pleuré. Je pensais que seuls les comédiens et les artistes avaient le don de faire pleurer... Et là je me suis dit qu'on avait touché quelque chose.
Personnellement j'affectionne deux décors en particulier : le bistrot et l'hôtel. Ce sont les deux décors que j'ai les mieux sentis, les mieux amenés.
Un jour, des Marseillais m'ont dit " On est vraiment dans le panier d'avant ". Ça m'a fait très plaisir !
Propos recueillis par Basma Ahmed-Kamal
Info Bonus : Le décor de Plus belle la vie devait compter, à l'image du vieux Panier, des montées et des descentes. Une complexité supplémentaire. Il a donc fallu surélever les murs, les adapter au sol. Ne restait plus, dernière étape, qu'à créer la rue. Or dans un lieu clos il est interdit de faire du goudron pour des questions d'insalubrité. J'ai consulté des représentants. On m'a parlé de copeaux de pneu, de graviers. Mais l'un est inflammable, l'autre ne procure aucune stabilité pour créer des volumes.
J'ai donc pensé à la pouzzolane : la pierre de lave, qui présente deux avantages. Elle est légère et surtout autobloquante ! J'ai donc appelé des mines de pouzzolane en Auvergne et en Sicile. Par la suite quelqu'un s'est présenté à mon bureau pour m'en vendre à moitié prix des devis que j'avais. Il s'agissait en fait d'un pépiniériste. Il se servait de la pierre de lave qui préserve de l'humidité pour transporter ses végétaux. Celui-ci comptait des m³ de pouzzolane dont il ne savait comment se débarrasser ! Et comble de chance, il résidait dans la région ! Il ne restait plus qu'à faire couler le béton armé...et voilà notre décor prêt à l'emploi !
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